La « Couille de Suisse », chocolat bleu-pâle

(photo. Dewier)

Aaaaah, la « Couille de Suisse ». Une petite douceur. Un truc bien bourratif. Un délice gastronomique de nos régions, que l’on aime consommer avec une bonne bière. Un plat hivernal, que dégustaient les familles de mineurs lors des fins de mois difficiles. Lorsque la viande et les légumes manquaient dans les casseroles, la mie de pain, le beurre et la cassonade coulaient à flots. Quand Guy Dewier décide de lancer la confrérie, en mars 2010, la veille du 1er avril, il ne s’attend pas à l’engouement qu’il va susciter partout dans la région. Avec les Insolents, il avait d’abord fait goûter la boule de pâte bouillie à l’eau au syndic de Lausanne, Daniel Brelaz. Lequel avait apprécié.

Puis, la confrérie des Compagnons de la Couille de Suisse est née. Une bande de fêlés joyeux lurons, accompagnés par les frères Poelaert au tambour, qui ne se prennent pas au sérieux. Un garde suisse. La création d’un petite et d’une grosse commission pour gérer les coliques colères des deux chevaliers (présidents), des deux boursiers (trésoriers), des deux scriveûs d’couille (secrétaire). Tous ces joyeux turlurons étant ornés d’une cape blanche à pompons rouges. Et une horde de suiveurs, prêts à en découdre et à sauter sur la première couille venue. Burp.

Couilles d’Honneur

Les couilles de suisse préparées par Vincent Cassel (photo. Fab)

Le groupe Facebook créé dans la foulée réunit près de 1000 sympathisants. L’humoriste français Patrick Timsit est désigné « Couille d’honneur » lors de son passage à l’émission Hep Taxi, avec Jérôme Colin. Les couilles récoltent encore un succès de foule phénoménal lors de la braderie : des centaines de personnes ont fait la file pour goûter à cette merveille alors concoctée par le maître-pâtissier Vincent Cassel, aujourd’hui malheureusement décédé. Un potier de Gembloux est sollicité pour créer des assiettes en grès, les bourses. Un ustensile normal, finalement, pour y poser ses couilles. Une seconde couille d’honneur rejoint la première. À la fin de l’année, les compagnons sont invités lors d’un mémorable direct dans l’émission de Sébastien Cauet, qui sera lui aussi totemisé.

Une couille en acier (A. Taminiaux)

La couille prend tellement d’ampleur que la confrérie s’interroge sur son empreinte écologique. Un impact somme toute totalement secondaire, compte tenu des moyens limités pour confectionner le plat. La couille fait grossir est un vrai « plat de pauvre » et en plus non polluant. Le dernier forgeron de La Louvière est mis à contribution pour réaliser une gigantesque couille en acier, sur laquelle prêteront serment les futurs intronisés. « Je trouvais assez rigolo d’associer le terme confrérie, somme toute assez solennel et le terme, couille, qui est tout son contraire », avoue le chevalier de la Couille à propos de cet ordre gastronomique et humoristique louviérois. Le ministre du Tourisme, Paul Furlan, en sera enchanté puisqu’il accordera une belle « bourse » de 2000 euros pour la défense de l’objet en question.

La couille fait le Buzz 

Les couilles de suisse à emporter

Depuis, les sympathisants agrémentent le mythe de la Couille de Suisse avec leurs trouvailles : recettes, chansons, photos, anecdotes. Tout est bon pour faire reluire déguster la couille louviéroise. Le décès de Vincent Cassel met tout ce petit monde en émoi, puisqu’il faut désormais lui trouver un successeur. Après de multiples essais, dont une tentative de congélation du plat pour pouvoir le produire en grandes quantité, c’est vers l’Oenola Wine Bar que les Compagnons se sont tournés. Laurence Huberty propose en effet les « Couilles de Suisse » à emporter. Un concept unique dans la région.

Mais le dernier poil à gratter de la « couille de suisse », ce sont les chocolatiers suisse qui viennent de lui fournir. « Comme le produit n’existait pas, commente Guy Dewier, nous l’avons fait déposer. Notre dossier a été accepté en décembre par l’Office Benelux pour la Protection Intellectuelle (OBPI). »

Alertée par l’OBPI, la Fédération des chocolatiers helvètes a entrepris d’attaquer la couille sur le terrain du chocolat. Un coup-bas. Une attaque en-dessous de la ceinture qualifiée de « ridicule » par le président, qui pense d’abord à une blague. Et puis non. Précision importante : il faut savoir que la recette de la couille de Suisse ne comporte aucune graine, fève, once ou poussière de cacao. Fût-il Suisse. « On a eu beau leur expliquer que l’on n’utilisait pas de chocolat. Encore moins de Suisse, puisqu’on est Belge », a précisé Guy Dewier. Selon la Fédération des fabricants de chocolat suisse, c’est le terme « de Suisse » qui pose problème car il « n’est pas protégé contre une utilisation abusive » et le seul défaut de la confrérie et de n’avoir pas précisé qu’il n’utiliseraient pas de confiserie ni de chocolat suisse dans leur recette.

L’affaire a depuis été réglée à l’amiable. Le chevalier de la couille s’est même aventuré à déclarer à nos confrères du journal Le Matin, que le chocolat belge est meilleur que le suisse. « On est au bord de l’incident diplomatique », conclut Guy, non sans humour.

La blague ferait plutôt rire, si le Compagnon ne craignait pas désormais que le dépôt de la marque ne soit remis en question par l’OBPI. La Couille de Suisse serait alors chocolat bleu-pâle. Quelqu’un a vérifié si le chocolat bleu-pâle c’était permis ?

Fab.

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


9 − = deux