Dans le blanc, il n’y a rien. Du moins le pense-t-on quand on le regarde. Pas de couleur. Juste un éblouissement qui fait plisser les yeux lorsque la lumière heurte la rétine. D’une feuille blanche, l’on retire pourtant l’angoisse de l’écrivain qui ne parvient pas à la remplir. Le blanc véhicule des émotions. CQFD. Et lorsque, comme le sculpteur espagnol Bernardi Roig, l’on parvient à insuffler la vie à des sculptures immaculées, on tient le sommet d’un art. Un art entre onirisme et surréalisme, qui tient à la nature même de l’homme. L’Oeil du connaisseur, c’est cette exposition qui est visible jusqu’au 26 mai au Musée Ianchelevici de La Louvière.
Dans le blanc, il y a l’homme donc. Avec ses secrets, ses meurtrissures, ses aspérités. L’homme brut. Universel. Là où David Lynch dévoile son art lumineux à travers les sombres turpitudes de son âme sur pierre lithographique, Bernardi Roig plonge dans les tréfonds de l’homme entre albâtre, ombre et lumière. S’il avoue lui-même que la recherche du détail lui importe peu, on s’étonne d’apercevoir rides, ridules, poils et pores sur des personnages moulés que l’on dirait sortis d’une bande dessinée de Bilal, Jodorowsky voire Manara et ses sublimes noir/blanc ou encore Ridley Scott et ses créateurs dans Prométheus; des inspirations qu’il ne revendique pas, mais à la similitude troublante. Lui-même dessinateur hors pair, il se plaît à donner un statut tridimentionnel à ses images.
Les personnages blancs, moulés pour la plupart dans le corps de son père, sont associés à la lumière intense de néons, dont la vibration à peine perceptible donne vie aux corps immobiles. Appuyés sur un mur, regardant une video, allongés sur le sol, ils donnent à comprendre la difficulté de l’homme à accéder à la connaissance.
Il se dit influencé par Bunuel, tout comme par David Lynch (la présence de l’exposition Lynch au Musée de la Gravure et de l’Image imprimée était l’une des raisons pour lesquelles Roig a accepté d’exposer à La Louvière, NDLA), mais affirme être un autodidacte qui n’aime pas l’hyperréalisme. Mais comment définir ces formes sans vie qui pourraient s’être évadées de notre inconscient dans un moment d’extrême lucidité ? Comme si notre conscience se détachait pour prouver sa réalité.
Bernardi Roig est un sculpteur Majorquain, né à Palma en 1965. Le Musée Ianchelevici a les honneurs de sa toute première exposition en Belgique, constituée par des pièces issues de collections belge. Jusque-là, seuls des collectionneurs privés avaient la fierté de les posséder. Notons que “Bernardi Roig, l’oeil du connaisseur”, inaugure un cycle biennal qui se consacrera à des sculpteurs de renommée internationale.
Voir aussi le texte de Krystel Yorke à ce propos sur le blog Maybe It’s Art Magazine
Textes et photos : Fab
Illustrations : Bilal, Jodorowsky, Manara, Ridley Scott