Au nom du père et du fils

Page mons/fermeture définitive de Duferco La LouviéreIl, a le regard embué de tristesse. Les sourcils froncés de colère. Il, n’a pas dit son nom. Ni son âge. Juste qu’il y a 33 ans qu’il travaille dans les usines Boël. Lui, du côté russe, NLMK produits plats. Son fils, travaille du côté Italo-Suisse, chez Duferco Belgium, produits longs. Le premier conserve son travail. Le second vient de le perdre. Une même famille. Deux destins différents. Et combien de larmes ?

Page mons/fermeture définitive de Duferco La LouviéreMardi, le plan industriel a été adopté chez NLMK. De ce côté, 536 travailleurs seront sauvés. “Une victoire”, disent certains. “Mais combien de défaites ?”, disent les autres. Lorsqu’en novembre dernier, les directions des deux sidérurgistes louviérois annoncent leurs plans de restructuration (lire Ceux qui partent, Ceux qui restent), c’est 601 travailleurs que l’on voyait sur le carreau. Ce jour, mercredi 27 mars 2013, avec la fermeture définitive de Duferco ce sont 815 ouvriers et employés qui doivent désormais ranger leurs cartons et rentrer la tête basse, dans leurs familles, leur faire part de cette nouvelle catastrophe sociale dans la région du Centre.

À La Louvière. Une de plus. Une de trop.

L’homme qui se trouve devant nous fait partie du personnel sauvé de NLMK. S’il est là, ce mercredi, c’est parce que son fils vient de l’appeler. “Mon fils, vient de perdre son travail”, confie-t-il. Il ne hurle pas. Il ne crie pas. Il parle, juste. On ne saura pas non plus comment se prénomme son fils. Il, est un anonyme dans la masse des travailleurs qui pleurent aujourd’hui. “J’ai atteint l’âge de la prépension et je ne peux pas l’avoir. Je me retrouve à travailler et mon fils est au chômage”, clame-t-il, dans un désespoir aussi palpable que les mots lui sortent de la bouche.

Page mons/fermeture définitive de Duferco La LouviéreLa colère, c’est tout ce qu’il sort aujourd’hui des coulées continues et des fours électriques.  La colère et la résignation. Devant les grilles de Chametal, l’une des entrées de l’usine louviéroise, un brasier de palettes se consume. Au milieu des flammes, des uniformes portant la marque de Duferco s’étiolent, partent en fumée. Quelques travailleurs ont laissé, là, tout leur passé, leur présent, leur avenir. Des lettres qui s’effacent, une par une, rongées par le feu. Des flammes qu’aucune larme, ni aucun souffle ne pourront plus éteindre. Ni larme. Ni voix. Il ne reste rien. Ni même le respect envers ces gens qui ont sué corps et âmes pendant des décennies. Pour finir usés jusqu’à la corde, laminés comme ces tôles qu’ils ont forgées toute leur existence.

Ce mercredi 27 mars 2013, les drapeaux de la ville de La Louvière sont en berne. Il ne reste plus que le silence pour pleurer. Encore. Une fois de plus. Une fois de trop.

Texte : Fab.
Photos : Alexis Taminiaux

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