La nuit, tous les Loups sont gris

Un lieu sombre et étrange

Il fait sombre. Noir. La lune peine à éclairer nos pas. La rue Saint Maur des Fossés est déserte. Au loin, les fenêtres éclairées d’un hôpital. Angoisse. Il est loin, trop loin, pour pouvoir échapper à une horde de zombies avant que le jour se lève. Deux piliers de briques soutiennent une grille entr’ouverte au milieu de nulle part. De petites flammes éclairent un sentier improbable dans la nuit.Un léger clapotis se fait entendre sous un petit pont de bois. Un bruissement étrange secoue le feuillage à quelques pas de là. Une goutte de sueur me parcourt l’échine, comme un doigt glacé sur une peau hérissée. Une ombre furtive se faufile entre deux réverbères. Lieu étrange. Des tables de machine à coudre se dressent, fantômatiques, face à un mur vide, balafré par un graffiti géant. Deux distributeurs de carburants se dressent sur une terrasse, mais il n’y a pas de station-service. Pas de carburant. Nous sommes à La Louvière. Mais l’endroit m’est inconnu.

Le chirurgien zombie

L’ombre est un médecin. « Bonsoir Docteur ? ». Mais celui qui se retourne n’a plus rien d’un humain. Un halo encercle le visage livide du chirurgien en tenue verte. Du sang séché mêlé aux grappes de cheveux qui se détachent de son crâne, termine de lui donner l’allure d’un mort-vivant. Je suis fait. Un sourire lui éclaire la face. Dans sa main, une bière. Ouf. Ce n’est autre qu’un des membres des Wolf Bicycle Riderz. D’autres zombies le rejoindront bientôt. Ce soir, c’est Halloween. Nous sommes à l’entrée du Balthaz’arts, un pub très vintage et surréaliste à La Louvière. Mon coeur reprend un rythme normal. L’effet était saisissant.

Spider style

Les WBR, ce sont des cyclistes d’un autre genre. Adeptes des cruisers californiens, et autres Burritos mexicains. Ces vélos sont customisés à la manière des choppers et aux motos chromées américaines. Et chez les Wolf Bicycle Riderz, ils sont de fabrication maison. Ce soir, les bécanes sont customisées façon citrouille et cimetières. Sur l’une d’elles, une araignée géante aux poils noir-orange a tissé sa toile entre les branches du guidon. Sur une autre, on peut distinguer deux sorcières bordant une pierre tombale où trois lettres s’inscrivent en majuscules : RIP. Entre les rayons d’une troisième, les pneus ont été garnis de petits crânes lumineux. Tantôt bleus, tantôt rouges.

L’équipée s’étoffe. Un motard fantôme, casque, lunettes et foulard noir sur le visage. Une redingote et des bottes noires lui donnent des airs de patriarche obscur. Il est suivi d’un clown tueur, les yeux rougis et balafrés, à la moue peu rassurante et d’un monstre arborant quelque dreadlocks sur un crâne dépoli. Effrayant pour le commun des mortels. On termine de peaufiner les déguisements. Un peu de sang qui gicle ici et là. Pour un peu, on se croirait dans les préparatifs d’un hold-up sanglant façon slasher movie.

Strangers in the night

Mais qu’on se rassure. Ce soir c’est balade. Les balades, c’est un peu leur marque de fabrique aux WBR. En famille, entre amis, on roule, on boit, on « barbecute », en général, le dimanche. En ce soir d’Halloween, ils ont opté pour un « ride de nuit », comme ils appellent ça. On n’ose imaginer l’effet de cette équipée sauvage dans les rues de la cité des Loups, la nuit tombée. Par ce froid polaire. Dans les ténèbres, ceux-là feraient des ravages. Heureusement qu’ils ne s’enquerraient pas de bonbons ou de gages, les Louviérois pourraient en avoir des hauts-le-coeur. Nous, en tous cas, on a apprécié.

Texte et photos : Fab.

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