Olivier Toffolo, la voie du médiator

Il voue un véritable culte à la musique

Houdeng. A deux pas de la place de Goegnies. Dans une petite pièce d’une maison de rangée, éclairée par des murs blancs et de grandes fenêtres, quatre guitares trônent, fièrement dressées, tels quatre totems prêts à recevoir une offrande. À 35 ans, Olivier Toffolo voue un véritable culte à la musique, qui lui a fait vivre de grandes aventures comme de véritables drames. Elle est un tout, une croyance presque pour cet… agnostique issu d’une famille italienne de confession catholique.

Son médiator ne le quitte jamais

Dans sa poche, un médiator (un onglet de guitare) ne le quitte pas d’une semelle. Sorte de porte-bonheur sur le chemin de la vie, il lui sert de guide. «Cela me rassure», affirme-t-il, comme le rassure aussi la figure de Bouddha (le Bouddhisme est la seule religion pour laquelle il accepterait de se convertir). Et une petite amulette hindouiste « Ohm » qu’il porte en permanence autour du cou et sur sa guitare fétiche. Sur la cheminée, un bâton d’encens se consume, baignant la pièce d’une atmosphère de zénitude. «Une fois, j’ai joué avec Robert Plant au Nandrin Festival, son set prenait fin lorsque tous les bâtons d’encens qu’il avait allumés s’étaient consumés.»

La famille du Pape Jean XXIII

Nous sommes de la famille du pape Jean XXIII

Né le 5 mai 1976 dans l’ancien hôpital de La Hestre, devenu le siège des Mutualités socialistes, Olivier a vécu la majeure partie de son existence à Houdeng-Aimeries. Il est un émigré de la 4e génération. «Mon grand-père et mon arrière-grand-père sont arrivés les premiers. Ils ont vécu à la Cantine des Italiens, pendant quelques années. Ma mère, est arrivée à l’âge de 8 ans. Elle est née à Osio-Sotto, dans la province de Bergame. Son nom de jeune fille est Roncalli. Nous sommes de la famille du pape Jean XXIII. Mon grand-père maternel était son cousin.»

Le père d’Olivier est né en Belgique. Sa famille est originaire de Cervignano dans le Frioul (Nord). Il a travaillé au sein de la très célèbre usine de sanitaires houdinoise Ideal Standard, avant de se lancer dans une entreprise de pose de parquets. Olivier passe le plus clair de sa jeunesse chez ses grands-parents, qu’il accompagne régulièrement en Italie. Là, il fréquente l’Oratorio, un mouvement de jeunesse genre Patronage, où il a apprend la langue italienne. Mais c’est à l’école communale de l’Abattoir et à l’Athénée Provincial de La Louvière qu’il fait ses classes avant de tenter l’aventure du son à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD)«On avait beaucoup de théorie, je crois que j’ai dû toucher une fois un Nagra pour faire une prise de son, ensuite c’était de la physique, des maths, et moi j’avais envie de toucher. Donc je suis parti de là.»

Rencontres, tragédies et passions

Le virus de la musique le contamine très tôt

Le virus de la musique le contamine très tôt. Dès l’âge de 14-15 ans. Son départ de l’IAD l’amène à la Fabrique de Théâtre de Frameries, où se donnent des cours du soir en régie de spectacle. C’est là qu’il rencontre Giacomo Panarisi avec lequel il mettra sur pied le groupe Mirrorball (Vince, Manu, Olivier, Giacomo). «L’aventure a duré de 2002 à 2005. Je faisais de la musique comme pas mal de jeunes. La Louvière est peut-être une petite ville comparée à Bruxelles, Gand ou Anvers, mais le talent au mètre carré y est impressionnant. On trouve ici une espèce de collectif de musiciens. Tout le monde est habitué à jouer ensemble. On était issu de groupes différents. On avait tous envie de lancer un single, passer en radio. Mirrorball est né à l’initiative de Giacomo. On avait cinq morceaux. C’était avant tout pour le fun, mais on a fini par avoir un producteur et Marc Ysaye nous a fait une visibilité sur Classic 21. On a vendu 3000 albums en auto-production.»

« La Première scène à Dour en 2003 et la sortie de l’album de Mirrorball en 2004, c’est quand même un rêve de gosse qui se réalisait. « 

L’aventure prend fin tragiquement avec le décès inopiné de Manu Jassogne, le guitariste du groupe, dans un accident de voiture, à Spy. «Du jour au lendemain, c’était la fin. On a encore assuré 3 concerts, mais j’avais du mal à tourner la page. Chacun a fait son deuil à sa manière. Pendant deux ans, j’avais du mal à voir un concert. Ce fut une période assez rude.» 

Pendant deux ans, j'avais du mal à assister à un concert

Etonnament, ses cousins, membres du groupe Girls in Hawaii connaîtront une tragédie similaire dans les mêmes circonstances. Et tout aussi surprenant, c’est par un événement tragique du même genre qu’Olivier Toffolo a découvert sa vocation. «Je viens d’une famille de musiciens. À Noël, chez mes parents, on se retrouve à 15 guitares, 30 voix pour chanter pleins de trucs. Mon père est musicien, mon grand-père l’était aussi. J’ai voulu essayer de faire de la musique mon métier en découvrant les Jekyll’s, un trio de rockabilly, provocateurs et marginaux qui en 1989 a sorti un album. Ils jouaient à Paris. Pour nous les jeunes, c’était le rêve. Et Sergio Valan, le contrebassiste, s’est tué en voiture à Wauthier Braine, l’année suivante.»

Un véritable choc pour lui, comme pour toute la région. «Ce gars était un peu comme un grand frère pour moi. Je me souviens être allé sur sa tombe et lui avoir dit que j’essaierai de perpétuer ça pour lui. Quand on a sorti l’album avec Mirrorball, je suis allé sur sa tombe, et j’y ai déposé un cd.»

Le Lapin, c'est lui...

Aujourd’hui les autres membres du groupe on fait leur chemin : Giacomo a fondé le groupe Romano Nervoso (Olivier joue le rôle du lapin dans le clip Party Time); Vince le bassiste, a joué dans Joshua. «Il n’y a que moi qui n’ai pas relancé de projet, j’ai mon petit studio ici, je fais mes chansons. Quand le moment sera venu, quand je le sentirai, je sortirai quelque chose. Mais je fais encore de la scène…»

Voyage dans la lune

Olivier est impliqué depuis deux ans au sein du Grand Orchestre National Lunaire, une création d’Eloi Baudimont dans le cadre du projet Décrocher La Lune, lancé par Franco Dragone. Lors de la dernière édition en 2009, il y rendait hommage à Mickaël Jackson, en interprétant une adaptation de Billie Jean. Depuis, il écume les villes régulièrement avec cet ensemble orchestral made in La Louvière. La « lune » reste d’ailleurs une aventure de dix années pour l’Houdinois. Une aventure commencée en 2000 lorsqu’un certain Toni Bruno lui apprend que Franco Dragone cherche des gens pour monter un spectacle de rue.

Pour Dragone, il aura la charge de la video et de la logistique aux castings. Il sera également chauffeur des artistes invités à La Louvière.«Il fallait quand même être assez polyvalent. C’était une chouette école. L’avantage du métier, c’était de pouvoir rencontrer des gens : j’ai notamment rencontré Sting à La Louvière, Line Renaud, Ricardo Cocciante, Mark Fisher (le créateur des scènes de U2 et Pink Floyd). Céline Dion évidemment et le Rêve, ont été une grande partie de mon boulot. Et puis le show de Macau que j’ai quitté avant la première. L’autre avantage, c’étaient les voyages. Je partais en moyenne 4 mois par an partout dans le monde. Cela m’a laissé des amitiés que je conserve encore aujourd’hui.»

Une grande admiration pour New-York

Olivier Toffolo voue une grande admiration pour la ville de New-York, où son oncle était styliste. Son meilleur ami y habite. «New-York est étonnante, tu peux y lier des amitiés d’un jour. C’est pas comme chez nous, où l’on noue des amitiés qui durent. La mentalité est différente. La première fois que j’y suis allé, c’était en 1992. Le 11 septembre reste une date importante. Je ne suis pas pro-Americain mais pour moi toucher à cette ville, c’est comme si on touchait à La Louvière. Cela m’a beaucoup choqué, touché. J’aurais préféré être là. Vivre cela avec eux.»

 

La Louvière une ville sans pression

La Palestine, le voyage qui l'a le plus marqué

Sans doute est-ce là l’une des raisons pour lesquelles, Olivier s’est impliqué dans les causes humanitaires ? Animateur socio-culturel pour Présences et Action culturelle (PAC), il s’occupe d’une école de cirque en Palestine à travers le projet Asseoir l’Espoir. «Un des voyages qui m’a le plus marqué. Les contacts là-bas étaient trop courts, mais géniaux. Par contre au retour, à Tel Aviv, on s’est fait arrêter avec une journaliste de la RTBF, fouiller, déshabiller. Ils ont voulu effacer ses rushes. Il a fallu téléphoner au consul de Belgique pour éviter que cela se fasse. Veronique Vercheval, qui était déjà dans l’avion, ils sont allés la chercher, armés, pour l’interroger. Tout cela parce qu’on était en Palestine et que l’on était en mission officielle de la Communauté française. Tu vis un truc comme ça, tu peux avoir la haine tout de suite. Et pourtant, je ne suis pas pour le conflit.»

En cela, La Louvière pourrait être son amulette aussi. Une ville apaisante, où il trouve son bonheur au fil de l’eau, dans sa maison à deux pas du Canal du Centre. Une ville «horriblement belle» où tout le monde se connaît, affirme-t-il. La seule ville quasiment où l’on peut mettre sur pied un groupe éphémère qui fonctionne, sans même répéter une seule fois, et faire croire qu’il existe depuis toujours. C’est une ville sans pression, où toutes les rencontres sont possibles, où l’alchimie est réelle. Où finalement, être chez les autres, c’est être chez soi…

Fabrizio Schiavetto
photos : Alexis Taminiaux

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